Nous avons tous des idées préconçues, des postulats au sujet de la parentalité, du divorce, de la réaction possible des enfants et de ce qu’il faudrait faire pour que tout se passe au mieux ou selon une prétendue norme qui, dans la réalité, n’existe pas.
Lorsque, en tant que parent vivant un divorce ou en tant que professionnel accompagnant les familles qui vivent un divorce, nous faisons face à des difficultés, nous sommes amenés à nous interroger et à remettre en question nos opinions et nos actions car continuer à faire la même chose amènera les mêmes solutions.
En dépit du fait que nous savons qu’au moins un mariage sur trois se terminera par un divorce, lorsque nous nous marions, nous sommes convaincus que ça ne nous arrivera pas. Pas à nous. Sans quoi nous ne nous marierions pas ou sans quoi nous nous poserions, à ce moment-là, les bonnes questions pour le cas où ça nous arriverait quand même.
Au moment du mariage, deux individus adultes et responsables, certainement en raison de ce qui les a amenés à vouloir s’épouser et qui relève d’abord et avant tout de leur vie émotionnelle, mettent de côté tout questionnement rationnel au sujet d’un futur qui ne se déroulerait pas selon leur plan actuel.
Au moment du mariage, lorsque, en pleine euphorie, entourés de nos proches, on signe notre contrat de mariage, l’un des jours le plus important et possiblement l’un des jours le plus heureux de notre vie, l’attrait amoureux, et donc à la base irrationnel, qui nous a poussé l’un vers l’autre fait qu’il nous semblerait indécent de même entrevoir que ledit contrat ne dure pas. Et toute la société nous soutient dans cet espèce de déni vaporeux et bienheureux dans lequel on se plonge avec délice.
Le mot « contrat » même nous semble porter ombrage à ce qui nous semble alors ne devoir être qu’engagement désintéressé, appel intime, amour inconditionnel qui scelle officiellement le début d’une vie de couple qui deviendra, dans la plupart des cas, vie de famille.
« Le contrat de mariage est l’accord conclu entre le mari et la femme, devant notaire, pour soumettre leurs biens à un régime particulier » (texte appelé à se modifier suite à l’acceptation récente, par la Suisse, du mariage pour tous) – que voilà une manière de présenter les choses qui, soudain, jette un froid. Or, au moment de signer et alors même qu’on pense ne s’engager que vis-à-vis de notre époux-se, c’est face à toute la société qu’on s’engage, en légalisant notre union, dorénavant soumise au Régime matrimonial et à de nombreux articles de lois du Code civil regroupés dans le livre du Droit de la famille.
Alors même que, en signant tout autre contrat – emploi, location, achat d’une maison, engagements divers – on connaît relativement bien ce à quoi on s’engage et on s’est tout au moins intéressé à s’informer, les deux individus adultes et donc considérés comme responsables qui s’épousent ignorent presque tout de ce qu’implique légalement le fait de contractualiser leur union.
On se marie parce qu’on s’aime, en oubliant que la société, et donc ses lois, celles qui protègent mais également celles qui contraignent, aura dorénavant son mot à dire sur nos finances, sur notre lieu de résidence, sur notre identité officielle, sur nos futurs enfants et nous contraindra à diverses obligations.

C’est cet oubli volontaire, cette espèce de confusion, ce décalage qui peut être léger ou important entre ce à quoi on s’attend et ce qui est, entre ce qu’on aimerait et ce à quoi on va dorénavant être contraint, ce qu’on pense pouvoir exiger et ce que la loi dit qui est peut-être à l’origine de ce qui mènera certains couples au divorce, mais surtout de ce qui rendra certains divorces interminables et la coparentalité post-divorce parfois si conflictuelle, au détriment des enfants.
Quant à ceux qui ont décidé de partager leur vie sans pour autant vouloir se marier, leur vie commune et celle de leurs enfants communs sera, elle aussi, encadrée par la loi, le Code civil suisse, le Code pénal au besoin, les lois et leurs différents articles, notre système juridique ayant été élaborés pour régir tout, presque absolument tout ce qui fait nos contacts humains.
Plus l’engagement moral diminue, celui de la parole donnée, du respect d’autrui, plus la vie se complexifie, plus les lois se multiplient, elles qui sont d’abord élaborées dans un souci de protection des droits de chacun.
Comments