Lettre de la présidente du MSCR au Collectif Bénédicte
- Coparentalité Responsable
- 22 juin
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Dernière mise à jour : 23 juin

Sans demander leur assentiment, mais afin que vous puissiez plus facilement identifier leur page Facebook, la photo postée ici est celle du Collectif Bénédicte. Si vous habitez en Suisse romande et que vous vous tenez au fait de l'actualité, il y a très peu de probabilités que vous ignoriez qui est "Bébé Bénédicte" et sa triste histoire.
* * * * * Dans le village où je réside, il y a quelques années, une famille dont l'un des enfants est porteur d'un handicap a organisé une magnifique soirée, où elle témoignait de son vécu. Ce témoignage a été suivi par celui d'autres intervenants et, à cette occasion, moult associations à but non lucratif se sont présentées. Il n'est venu à l'idée de personne de tenter de remettre en cause l'existence de ces associations, tant il était évident que, si elles existent, c'est qu'elles sont utiles, voire nécessaires, afin de compléter les offres étatiques, forcément lacunaires en raison de l'immensité et de la spécificité des besoins. Pour des raisons qui m'échappent - serait-ce que le service social et celui de la santé sont plus ouverts au dialogue que ceux dévolus à l'enfance et à sa protection ? - la pertinence de l'existence d'associations de parents dont les enfants sont sous le coup de mesures de protection, celle de leurs remarques et demandes, sont, à tour délibérément ignorées, voire jugées inutiles ou nocives, et l'existence même de ces associations remise en cause. C'est dommage, très dommage.
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Mais voici maintenant ma lettre au Collectif Bénédicte, publiée sur leur page sous forme de deux commentaires de leur publication épinglée.
En dépit des intentions plus que louables du Collectif Bénédicte Je vais me désabonner des publications de votre collectif, et donc me retirer de votre groupe d'amis. Facebook est tout sauf un endroit protégé, même lorsqu'on réserve ses publications à ses amis FB, qu'on pense donc pouvoir identifier.
Il y a de faux profils et impossible de savoir qui est qui.
Je ne crois pas qu'il existe un clivage "pourris de la protection de l'enfance" et "parents irréprochables punis". J'ai maints assistants sociaux et éducateurs dans mon entourage privé et tous, absolument tous, ont choisi leur profession pour se rendre utiles .Cela ne signifie pas qu'il n'existe pas des travailleurs sociaux animés par le goût du pouvoir, ni que leur formation est forcément au top, loin de là. Mais cela signifie, pour moi, qu'on est loin d'un clivage lié à des catégories.
En Suisse, comme ailleurs, 80% des abus à l'encontre des enfants sont commis au sein des familles. C'est ce que révèlent, année après année, diverses enquêtes, et qui correspondent bien à celles menées dans les pays voisins. Cela signifie que pour 80 % des enfants abusés, ils le sont par des membres de leur famille proche, celle au sein de laquelle ils vivent. Je me donne la peine de répéter tellement ces résultats restent, pour moi, stupéfiants. Il est clair que ces résultats sont potentiellement biaisés, car quid d'enquêtes sérieuses au sein de chaque institution censée prendre en charge l'enfant, en tant qu'être particulièrement vulnérable (c'est-à-dire ne pouvant pas subvenir de lui-même à ses besoins - mais lequel d'entre nous le peut vraiment ?) : Ecoles, hôpitaux, foyers d'hébergements, UAPE, crèches, partout où la vulnérabilité est présente, des dysfonctionnements peuvent se produire et, malheureusement, à ce moment-là, la tendance institutionnelle première semble généralement être de les dissimuler, ce qui empêche une remise en question pourtant alors indispensable.
C'est à l'aspect structurel auquel il me semble falloir s'attaquer, commun à toutes les situations qui s'enlisent. C'est également une certaine éthique qu'il vaudrait la peine de redéfinir et d'ajuster. Et c'est au biais de confirmation, en lieu et place de regards interdisciplinaires croisés, qu' il faut mettre fin. C'est très compliqué, car cela touche aux loyautés entre collègues et avec la hiérarchie, tout cela étant lié à la regrettable idée, qui prévaut souvent, qu'exprimer un avis différent serait une attaque personnelle ou une critique institutionnelle dénigrante.
Quelqu'un a écrit que les professionnels ne s'engageaient pas. C'est faux, et, pour mieux avancer, vous auriez tout intérêt à lire "Quand les soins rendent malades", de Dresse Odette Masson Ruffy, pédopsychiatre qui fait partie des 23 personnalités s'étant associées pour mobiliser l'opinion publique par le biais des médias et ayant écrit aux responsables à réitérées reprises. Dresse Ruffy s'est longtemps occupée de l'aménagement et du suivi de foyers d'accueil. Ce qu'elle exprime est donc très pertinent et utile. Vous pourriez également lire "Protection de l'enfance - lettre ouverte à tous ses acteurs", que j'ai écrit, paru en 2019 et qui donne de nombreux éléments utiles pour se mobiliser. Seuls quelques aspects organisationnels ont changé (l'ancienne SPJ vaudoise s'est transformée en DGEJ à la suite du scandale du père incestueux et aux recommandations données par l'ancien juge fédéral Claude Rouiller et les APEA valaisannes ont été cantonalisées), tout le reste est d'actualité, même si la coopération parentale, désormais en œuvre dans plusieurs parties de cantons, n'y est alors que conceptuellement décrite. C'est le seul livre qui rende compte du fonctionnement des diverses institutions de protection de l'enfance en Suisse romande. Je suis intervenante en thérapie brève et médiatrice avec une spécialisation dans le domaine de la famille et les hauts conflits. Si vous avez le coeur bien accroché, vous pouvez lire "Le déni qui tue", de Dresse Séverine Cesalli, pédopsychiatre. Cela fait déjà trois professionnelles, qui, comme d'autres, se mobilisent et qui, lorsqu'elles le font, se font régulièrement maltraiter, voire ostraciser, par les structures en place.
Vous avez ainsi des pistes pour savoir pourquoi les choses n'avancent pas. Lorsque les autorités en place, les structures officielles, constatent les bisbilles durables, les querelles répétées, voire les dénonciations, entre elles, de personnes censées s'unir pour un changement, enfin, lorsque les personnes qui, au sein de ces autorités, ne sont pas ouvertes au dialogue avec parents et associations, s'en rendent compte, elles boivent du petit lait. Sans union, pas de force.
Je vous recommande de collaborer avec les professionnels ayant soutenu Bénédicte et avec les associations existantes.
Chaque personne concernée se croit, hélas à tort, dans une situation d'injustice exceptionnelle - or, chacune de ces personnes se trouve, à mes yeux, dans une situation d'injustice particulièrement cruelle, mais répandue. Si le placement d'un bébé, tout en empêchant suffisamment de contacts avec la mère / le père, est, hors cas de violence avérée, cruel et délétère, que dire des signalements d'incestes qui n'aboutissent pas ? Des signalements d'incestes qui aboutissent alors qu'il n'y a pas eu incestes ? Des enfants battus et non protégés ? Des enfants TSA retirés de leurs familles ? Et j'en passe.
J'ai suggéré à la famille, en vain, de recourir à la médiation cantonale. A tout moment, et dans n'importe quel cas, il vaut toujours la peine de, encore une fois, tenter un dialogue.
J'ai trouvé le billet d'humeur de l'ancien juge des mineurs Jean Zermatten particulièrement malvenu, étant donné qu'il fait partie des membres de la commission d'éthique à laquelle la DGEJ peut recourir si elle le souhaite. Le soutien empathique exprimé envers les membres de la DGEJ, relatif à leur difficile tâche, ne me paraît guère compatible avec un utile esprit d'analyse critique. Je n'ai jamais compris que cette commission d'éthique, mise sur pied à la suite du rapport de l'ancien juge fédéral Claude Rouiller, ne puisse pas être également saisie par les familles. Dans la situation catastrophique qui a débouché sur la mise en place de cette commission, c'est justement le SCJ qui, ne se rendant pas compte qu'il dysfonctionnait, n'aurait donc pas fait appel à une telle commission. Je me demande combien de fois la DGEJ a recouru aux services de cette commission et je me suis également toujours demandé la pertinence, sinon pour sa réputation, que cette commission inclue un juge des mineurs, représentant donc une instance pénale.
Chaque semaine, gracieusement quand c'est pour le MSCR, j'écoute des personnes avec l'unique but qu'elles ne mettent pas fin à leurs jours ou commettent un crime ou tombent gravement malades, sans que je ne puisse contribuer d'aucune autre manière. Oui, le système dysfonctionne.
Je ne peux pas faire plus que ce que j'ai déjà fait et je ne désire pas m'exposer plus tant que je suis en partiel désaccord au sujet du fond ou de la forme de certains commentaires et je retourne à mes propres activités. Je terminerai en disant que si vous désirez que Vassilis Venizelos ou d'autres officiels vous lisent, voire vous répondent, il y aurait lieu de supprimer les commentaires tels "tous des criminels", pour qualifier les différents acteurs de la protection de l'enfance. Bien à vous, bon courage et bonne chance dans vos démarches !
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